Herman BRAUN-VEGA
Artiste peintre (1933-2019)

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Frontière de cultures

Conversation avec Fernando Carvallo

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L'intérieur à la fillette, Matisse

Fernando Carvallo - En 1983, à la demande du critique Jean-Luc Chalumeau, tu as raconté le premier souvenir de ta vie d'artiste :
« Lima, 1947: mon frère Max (Fernando Vega), mon ainé de dix-sept mois, veut être peintre. Mon père achète des reproductions (Éditions Braun, Paris) allant de la Renaissance italienne aux Cubistes et les fait encadrer. Notre maison est grande mais il y a tellement de reproductions qu'il devient nécessaire de les accrocher les unes à côté des autres, comme les fenêtres d'un train. L'uniformité des dimensions rend l'illusion encore plus manifeste. Une aquarelle de Klee a la même taille que la Leçon d'anatomie du docteur Tulp de Rembrandt.
Je découvre la peinture tardivement, à quatorze ans. Je reste sous le charme de certaines images. D'autres me dérangent. Le cubisme et le fauvisme me mettent en colère. La reproduction de l'Intérieur à la fillette de Matisse (1905-1906) est accrochée au mur à droite de la porte, dans la chambre que je partage avec mon frère. Elle me nargue tous les matins, avec ses couleurs acides et son graphisme négligent, qui offensent mon regard.
Des mois plus tard, un matin, je la vois. C'est un choc si violent que depuis, chaque fois que je me rappelle cet instant, la lumière que dégageait cette petite reproduction m'emplit de joie. Je crois que ce jour-là, je suis devenu peintre » .
Dès lors, tu as maintenu une relation intense avec l'histoire de la peinture, mais tu l'as investie de ton intérêt pour le métissage et le syncrétisme.

Herman Braun-Vega - Je pense qu'il faudrait commencer par signaler à ceux qui ne connaissent pas l'Amérique latine, que le Pérou, comme les autres pays de la région, est le résultat du métissage, c'est-à-dire de l'implantation de groupes humains issus de tous les continents. C'est notre ascendance mutuelle et commune qui crée une particularité culturelle. Au Pérou, nous qui sommes éduqués en accord avec les valeurs occidentales, contrairement à ceux qui naissent en Europe, nous formons une frontière de cultures, dans la mesure où d'autres communautés, en particulier la communauté indigène, coexistent au sein de la même société.
En ce qui me concerne, ma famille maternelle est métisse et implantée au Pérou depuis tant de générations que l'identité péruvienne est naturelle et ne suscite aucune réaction. Je suis en quelque sorte un métisse de la première génération. Mon père, qui était juif, est né en 1902 sous l'empire austro-hongrois, dans la ville de Stuhlweissenberg, aujourd'hui territoire hongrois. Pour connaître ma mère, il lui fallut parcourir plus de treize mille kilomètres puisqu'elle était née à Iquitos, au sein d'une famille catholique, même si elle fut éduquée dans la foi protestante. Tout cela crée un métissage total, non seulement ethnique, mais aussi culturel et religieux. Jamais je ne me suis senti installé dans la culture et la société péruviennes. Depuis ma plus tendre enfance, j'ai été confronté à un questionnement autour de mes origines qui peu à peu a trouvé son expression dans mon oeuvre, faisant partie intégrante de ma vitalité. Mes réactions, parfois rapides et violentes, proviennent de la sensation que j'ai toujours eue d'être « entre deux chaises ».

Fernando Carvallo - As-tu le souvenir d'un moment de ton enfance qui se rattache à ta vision du monde ?

Herman Braun-Vega - lorsque j'étais enfant, j'allais rendre visite à ma grand-mère paternelle (qui n'a jamais appris le castillan et était si âgée qu'elle ne se levait pratiquement jamais de son fauteuil). Je jouais à glisser sur les dalles du salon et m'arrêtais juste devant elle. Elle me disait alors en allemand, d'une voix tendre «Du bist wohl verruckt, mein Kind». Moi, je croyais que cela voulait dire "Je t'aime beaucoup, mon petit» Mais bien des années plus tard, j'ai découvert que ce qu'elle me disait signifiait" Tu es fou, mon garçon ». Le décalage entre la phrase de ma grand¬-mère et ce que je «traduisais» illustre sans doute les différences qui existent dans la manière d'aborder la culture occidentale entre un latino-américain et un Européen.

Fernando Carvallo - Quels furent tes premiers pas dans ta formation de peintre ?

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École des Beaux-Arts de Lima, 1950

Herman Braun-Vega - En 1950, alors que j'avais à peine dix-sept ans, j'ai intégré l'École des Beaux-Arts de Lima, où j'ai passé un an et demi. J'ai eu comme professeur Carlos Quispez Asin, excellent maître, qui me conseilla de travailler avec la main gauche, car, d'après lui, ma main droite allait plus vite que ma pensée. Ce qu'il ignorait, c'est que j'étais un gaucher contrarié. Durant mon enfance, être gaucher constituait une espèce de tare qui devait être combattue. Cette expérience précoce avait été si traumatisante pour moi que, lorsque l'on me propose d'utiliser la main gauche, je préfère consacrer plus de temps à la réflexion, avant de passer à l'action picturale. Au cours des dix-huit mois passés à l'École, l'oeuvre de Cézanne exerça une influence prépondérante sur moi. Comme tu sais, aujourd'hui encore, il n'y a pas de musée au Pérou où l'on puisse voir les œuvres des grands maîtres Tout ce que je connaissais d'eux, je le connaissais à travers des reproductions.

Fernando Carvallo - Et que s'est-il passé lorsque tu as vu les originaux?

Herman Braun-Vega - Lorsque je suis arrivé à Paris, à la fin de l'année 1951, j'ai eu pour la première fois l'opportunité de voir les oeuvres originales de ces maîtres. Mon premier contact fut décevant. Comparées aux petites reproductions que je connaissais, les oeuvres originales me semblaient poussiéreuses. La quadrichromie et la taille des reproductions occultaient la gestuelle et les couleurs semblaient plus brillantes et violentes. Seule l'oeuvre de Van Gogh m'a donné l'impression d'une peinture encore fraîche. A Paris, je peignais dans les chambres d'hôtel où je me trouvais, mais je ne me suis jamais inscrit dans aucune école d'art. A compter de cette date, mon apprentissage s'est réalisé au contact des oeuvres dans les musées et à travers le dialogue avec les plus grands artistes que j'ai côtoyés. Grâce à eux, j'ai pu perfectionner aussi bien ma technique picturale que ma réflexion conceptuelle.

Fernando Carvallo - Avant de poursuivre le récit de ton expérience à Paris, quel était le panorama des arts plastiques au Pérou à la fin des années 40 ?

Herman Braun-Vega - C'était une situation très différente de celle d'aujourd'hui. Du fait de la guerre mondiale et du manque de contact avec l'Europe, les États-Unis avaient envahi tout l'espace culturel latino-américain avec leurs revues et leurs publications. C'était également la fin de l'indigénisme et le commencement de nouvelles propositions introduites avant guerre par le peintre péruvien Ricardo Grau. Mais l'ambiance générale n'était pas très stimulante.

Fernando Carvallo - Comment s'est accompli ton voyage à Paris et qu'as-tu fait durant ton séjour ?

Herman Braun-Vega - Mon frère Max, qui signait Fernando Vega, a décidé de venir à Paris. C'était une personne charismatique, d'une grande capacité intellectuelle, qui influença toute une génération d'artistes Il avait des difficultés techniques pour peindre, alors que moi j'étais très habile, mais sa capacité d'analyse me faisait défaut. Au commencement de nos carrières, son oeuvre avait plus de profondeur que la mienne. Il m'a fallu lutter pour que mes aptitudes techniques se mettent au service de mon intellect et non l'inverse. Lui a décidé de venir à Paris début 1951, et moi je suis arrivé à la fin de l'année. Peu après mon arrivée, mon frère m'a présenté à Jean Senac, le poète «pied-noir» né en Algérie, qui fut assassiné dans les années 70. Ce fut l'un des premiers assassinats politiques, de ceux qui aujourd'hui encore saignent ce pays extraordinaire. Jean nous présenta Louis Nallard et Maria Manton, deux excellents peintres qui comptent encore parmi mes amis. À cette époque, pour vivre, ils travaillaient comme gérants de l'hôtel du Vieux-Colombier et logeaient à tous les étages des peintres, des écrivains, des musiciens, des dessinateurs… Au dernier étage, par exemple, vivait Poliakoff. Il gagnait sa vie en jouant de la guitare dans les restaurants russes de Paris. Vivre dans cet hôtel fut pour moi, Péruvien tout juste débarqué, une manière privilégiée d'intégrer le milieu artistique parisien.

Fernando Carvallo - À cette époque, vendais-tu des tableaux ?

Herman Braun-Vega - C'était difficile. N'oublions pas qu'alors, au début des années 50, la France se remettait tout juste de la guerre et il y avait peu de galeries. Pour les jeunes artistes, il était très difficile d'y exposer, Contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, les galeristes, à quelques rares exceptions près, attendaient que les artistes aient plus de trente ans pour les prendre en considération. Mon fils Éric est né en octobre 1952. Il fallut donc devenir raisonnable et chercher du travail. J'ai eu la chance d'entrer dans l'atelier de l'un des grands designers de l'époque, Jean Royere, qui voulait ouvrir une agence de design à Lima, tâche pour laquelle j'ai été formé. Courant 1955, je suis retourné à Lima, où j'ai fondé une agence, associé à l'architecte Juan Gunther. L'agence travailla au Pérou ainsi que dans d'autres pays d'Amérique latine durant dix ans.

Fernando Carvallo - Pendant ces dix années passées à travailler comme designer à Lima, est-ce que la peinture continuait à te trotter dans la tête ?

Herman Braun-Vega - Pour ne pas devenir un peintre du dimanche, j'ai cessé de peindre pendant huit ans. Lorsque j'ai décidé de repartir pour l'Europe, en 1963, je me suis remis à peindre. Quatre ans plus tard, je suis revenu en France.

Fernando Carvallo -Durant les quatre dernières années passées à Lima, quels étaient tes objectifs picturaux ?

Herman Braun-Vega - J'ai réalisé que ma vraie vocation était d'être peintre quand j'avais cessé de peindre, parce que cela devenait alors pour moi une nécessité de plus en plus pressante. Le succès professionnel comme designer m'empêchait de peindre. C'est la raison pour laquelle quitter Lima s'avérait nécessaire.

Fernando Carvallo - Que s'est-il passé lorsque tu es arrivé à Paris ?

Herman Braun-Vega - Peu après mon arrivée, en 1968, je me suis rendu avec Lisbeth à Barcelone, où était inauguré le musée Picasso, et j'ai pu voir sa série sur Les Ménines C'est là que j'ai ressenti un véritable choc. Je me suis rendu compte que Picasso avait réalisé une oeuvre magistrale de déstructuration, mais qu'il n'avait pas pris en compte un aspect très important : la temporalité. Le génie de Vélasquez consiste à fixer, sur la toile, un instant de la continuité temporelle. Picasso n'a pas réussi cette instantanéité dans sa peinture, contrairement à Bacon.

Fernando Carvallo -Tu utilises une méthode récurrente, celle de l'appropriation du style et des techniques d'un grand maître pour forger ton propre style et tes propres techniques.

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Etude d'après Ingres
Braun-Vega 1972

Herman Braun-Vega - Toute activité humaine est issue des oeuvres passées; ce n'est pas nouveau. Rien n'est tiré du néant, surtout dans le domaine des arts. Il y a deux façons de concevoir la présence inévitable du langage du passé : soit intuitivement, soit délibérément. J'étais dans la pure forme et dans l'intuition jusqu'en 1967, mais suite au choc ressenti devant Picasso à Barcelone, j'ai décidé d'entreprendre des recherches. J'ai cessé de concevoir la peinture pure en tant que finalité, et décidé de l'utiliser pour véhiculer la pensée. Mais pour être un tel véhicule, elle doit séduire. La séduction de la peinture n'est pas celle qu'exercent les play-boys ou les jolies filles de défilés. C'est sa capacité d'attirer et de développer la sensibilité et l'intelligence du spectateur.
J'ai décidé d'interroger les artistes du passé dans le but de m'enrichir sur les plans formel et conceptuel. Par exemple, dans le cabinet des dessins du Louvre, j'ai pu disposer de toute l'oeuvre dessinée d'Ingres. J'ai voulu me soumettre à une espèce de lavage de cerveau, pour ne pas dessiner comme Braun-Vega, mais entrer dans la gestualité d'Ingres. Puis j'ai fait la même chose avec les gravures du cabinet des estampes du Rijksmuseum, où l'on m'a permis d'avoir entre les mains les gravures de Rembrandt. J'ai passé quinze jours dans le cabinet des estampes à les étudier, à prendre des notes pour en mémoriser la technique et le contenu narratif.
Je pense que la seule façon d'avoir un «style » personnel et inventif consiste à lutter contre celui-ci. Pour faciliter la compréhension de mon oeuvre, j'ai dû faire des ajustements sur la forme. La technique très libre que j'utilisais à mes débuts, je l'ai perfectionnée pour parvenir à réunir les formes les plus orthodoxes et les plus contemporaines en un même espace pictural. Voilà pour ce qui concerne la réalisation plastique. En outre, dans son contenu conceptuel/narratif, mon oeuvre doit être un témoignage qui interpelle la mémoire du spectateur pour que celui-ci, avec son regard et sa réflexion, la recrée conformément à son expérience.

Fernando Carvallo - Pourquoi peins-tu à l'acrylique ?

Herman Braun-Vega - En 1963, j'ai découvert par hasard que la rapidité de séchage de l'acrylique s'adapte mieux au rythme d'exécution de ma peinture.

Fernando Carvallo - Que signifie pour toi le dessin ?

Herman Braun-Vega - Pour moi, le dessin est une oeuvre à part entière Je ne fais pas de croquis ni de dessins préparatoires pour mes tableaux. Depuis 1975, je ne fais même plus de dessin complet sur la toile. Je l'exécute à mesure qu'avance le tableau. Je peux procéder ainsi parce que je « vois» le tableau avant de le commencer, dans la mesure où j'utilise ce que l'on pourrait appeler la mémoire prospective. Pour la même raison, je ne peux pas faire deux tableaux en même temps, parce que j'ai besoin de toute ma mémoire pour construire le tableau sur lequel je travaille.

Fernando Carvallo - Quelle place accordes-tu à la photographie ?

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Julio Ramón Ribeyro
Braun-Vega 1978

Herman Braun-Vega - Depuis que j'ai commencé à faire des portraits, j'utilise la photographie. J'ai compris son utilité alors que je réalisais le portrait de l'écrivain Julio Ramón Ribeyro, que j'ai « martyrisé » en le faisant venir pour poser quinze jours consécutifs. Pour moi, la photographie est un auxiliaire de la mémoire. Voilà pourquoi lorsque je voyage, je fais des travaux photographiques qui me servent ensuite pour introduire des éléments dans mes tableaux

Fernando Carvallo - Comment sais-tu qu'un tableau est achevé ?

Herman Braun-Vega - Lorsque je ne peux plus rien y faire.

Fernando Carvallo - Ta peinture cherche des langages et des techniques innovatrices mais tu as recours à des genres picturaux traditionnels comme le portrait, le paysage, la nature morte ou encore, à ce que l'on appelait la peinture historique.

Herman Braun-Vega - Quand au XVIIème siècle s'est établie une hiérarchie dans la peinture, les thèmes historiques et religieux ont occupé le premier plan. Suivaient le portrait et le paysage, laissant au dernier rang les natures mortes. En Europe, alors, une nouvelle forme de société était en ferments. Une transition s'opérait du mode de production féodal vers une forme sociale bourgeoise de type capitaliste commercial: tout cela sous le signe politique de l'absolutisme, qui rationalise la forme traditionnelle de domination. Quand Rembrandt peint la Leçon d'anatomie du docteur Tulp, il a pour modèle Adriaen Adriaensz, un pauvre hère torturé et exécuté pour avoir volé un manteau. C'était une époque de famine et de misère. Les capitales européennes étaient cernées de bidonvilles comme on en trouve aujourd'hui dans les pays du tiers-monde. Nous vivons dans un monde sans mémoire. Les guerres idéologiques, religieuses et ethniques perpétuent la barbarie.

Fernando Carvallo - Tu dirais que dans tes tableaux, il y a de l'humour ?

Herman Braun-Vega - Dans ma peinture, il y a une sensualité froide, comme dans celles d'Ingres et de Poussin. C'est sensuel, mais comme c'est également intellectuel, cela crée une distanciation. Humour et ironie sont indispensables pour aborder les choses graves. Nous vivons à une époque très sollicitée par les images et, en particulier, les images de violence. Au cinéma, quand on se prend au jeu de l'artifice, ou bien chez soi devant les journaux télévisés, souvent à l'heure des repas, on se trouve exposé à la distanciation et à la froideur face aux événements dont on est témoins. En peinture, pour que le contenu puisse passer, il doit séduire, c'est-à-dire être attrayant dans sa construction picturale. C'est seulement ainsi que la violence du contenu peut se transmettre d'une manière efficace.

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Mercado (Vermeer)
Braun-Vega 1993

Fernando Carvallo - Dans tes tableaux apparaissent fréquemment les aliments, en particulier dans les natures mortes.

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Nature exotique (Cézanne)
Braun-Vega 1993

Herman Braun-Vega - Par leur apparente simplicité (elles représentent des situations et des objets quotidiens), les natures mortes me permettent d'établir une relation plus dialectique entre le contenu et la forme, par exemple, confronter en un même tableau la lumière naturelle reflétée sur les reliefs et la lumière représentée, peinte sur les éléments les plus figuratifs du tableau, sans ruptures, créant un espace d'illusion efficace.
En ce qui concerne le contenu narratif, je réunis le banal et l'étrange, par exemple, des pommes et des bananes près de chirimoyas, un personnage de Vermeer étranger pour les Péruviens à proximité de bouchers, tout cela dans un même espace, un marché péruvien, qui apparaît exotique pour un Européen. J'organise la matière propre du tableau. le bois, la peinture, les reliefs, les collages, etc… pour servir de support à la représentation plastique de la narration… dans l'intention de réaliser une oeuvre claire dans son syncrétisme.
Quand je prends comme support pour un tableau des oranges et des pommes de Cézanne et que je les réunis avec des pommes de terre, des tomates et des piments (des produits gastronomiques qui sont courants aujourd'hui), je propose une vision du syncrétisme.

Fernando Carvallo - Et les portraits ?

Herman Braun-Vega - Jusqu'à présent, tout n'est que monologue avec mes ancêtres, réflexions sur l'acte pictural et sa capacité narrative, son pouvoir de communiquer à différents niveaux sans sacrifier la qualité plastique et sans prosélytisme.
En 1978, j'ai décidé d'établir un dialogue avec mes contemporains, artistes et écrivains… J'ai pris comme prétexte le portrait, et invité mes modèles à participer de manière active à l'exécution du tableau, à travers des narrations, à choisir le contexte, ou intervenir directement sur la toile.
Par exemple, Fromanger a peint directement sur le tableau des touches polychromes qui pleuvent sur son journal, produisant un déséquilibre dans la construction du tableau. J'ai donc dû reprendre et retravailler de manière différente ses chaussures et son ombre.
Arroyo a organisé les éléments qui figurent sur la table, des photos de famille et des objets qu'il utilise dans ses oeuvres. Velickovic a tracé directement sur la toile la partie graphique sur le fond que j'avais préparé dans son style.
Hormis leur présence en tant qu'objets polychromes, ce ne sont pas là des portraits réalistes - la seule réalité est celle apportée par le modèle… C'est lui qui m'oblige à reprendre la forme picturale et le contenu narratif du portrait. Autre exemple de syncrétisme.

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Gérard Fromanger
Braun-Vega 1984
État du portrait avant l'intervention du modèle
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Gérard Fromanger
Braun-Vega 1984
État du portrait après l'intervention du modèle
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Vladimir Velickovic
Braun-Vega 1978
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Eduardo Arroyo
Braun-Vega 1979